Café Agrinovia

Conversations avec Prof. Jacques Nanema

Coordinateur du programme

L’afro-pessimisme, le pire des maux à combattre dans la coopération des acteurs, pour inventer l’avenir!

Ce qui s’appelle afro-pessimisme signifie le peu de confiance que nous autres Africains avons en nous-mêmes, le doute sérieux que nous avons sur nos compétences individuelles et collectives à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés et qui nous maintiennent dans une précarité considérée comme une fatalité.

Mais pour être juste, tenant compte de l’histoire lointaine et récente, l’Afro-pessimisme doit être compris d’abord comme un piège tendu par le regard colonial condescendant jeté sur des populations entières dépréciées, méprisées, disqualifiées et dépossédées de leur qualité et dignité d’hommes. Cette non-reconnaissance coloniale et néocoloniale qui plonge des millions d’êtres dans une invisibilité dans le monde et sur leur propre espace de vie, est d’abord le fait du regard étranger issu de l’euro-centrisme européen / occidental jeté sur les colonisés, considérés comme des êtres inférieurs dans la vision idéologiquement et racialement hiérarchisée des êtres qui peuplent le monde.

L’afro-pessimisme peut être compris ensuite comme la reproduction tragique du mépris de soi par l’autre par les Africains eux-mêmes, se regardant avec les yeux de l’autre, du colonisateur arrogant, paternaliste et condescendant. Il s’agit ici et alors d’un engrenage suicidaire dans lequel nous autres Africains, sommes tombés pieds et poings liés, nous dépréciant, méprisant, disqualifiant et dépossédant de nous-mêmes, et rendant l’horizon de notre continent obscur…. L’afro-pessimisme peut donc être considéré in fine comme le processus obscur par lequel des victimes parachèvent le meurtre dont ils ont été l’objet en se conduisant elles-mêmes au cimetière de leur anéantissement définitif ….

L’approche AGRINOVIA se situe aux stricts antipodes d’un tel processus tragique qui fait des Africains des fantômes sur leurs propres terres, des êtres immatures, incapables, des simples spectateurs et non des acteurs du monde au sens plein du terme. Agrinovia, c’est le crédit de rationalité et de pertinence reconnu aux acteurs locaux dans la connaissance de leur milieu de vie, dans leur capacité à affronter et résoudre les difficultés et contraintes auxquelles ce milieu les expose, dans leur compétence à trouver des solutions aux différents problèmes qui structurent la trame de leur existence quotidienne. Les paysans qui sont au cœur du développement de nos pays essentiellement agricoles, savent ce qu’ils font quand ils mettent en œuvre des pratiques et des techniques en matière de production, même si leur mode d’action apparaît comme quelque peu « déphasée » par rapport à l’accélération actuelle de la vie moderne qui ressemble à une course à l’accumulation. Les paysans qui représentent la majorité silencieuse et invisible de nos sociétés développent des initiatives individuelles et collectives pour résoudre les difficultés techniques et sociales qu’ils rencontrent. S’ils attendaient de bénéficier des prouesses de la techno-science ou de la bienfaisance paternaliste de l’aide ou de la coopération au développement, pour s’en sortir, ne seraient-ils pas tous déjà morts et enterrés ?

Mais, pris dans le vertige de la mondialisation consumériste et de l’idéologie mercantile de la croissance cumulative, avons-nous le temps de les observer, de les connaître, de les reconnaître, de les prendre en considération, de comprendre ce qu’ils font, comment ils font les choses et pourquoi ils font les choses comme ils le font et non pas autrement ? Finalement, avons-nous le temps de les «écouter» et de les accompagner dans l’identification, l’analyse, la capitalisation et le renforcement des stratégies endogènes déployées pour l’atteinte de leurs objectifs ? Sommes-nous capables de nous soustraire à l’arrogance et à l’impatience du développement messianique (ce que Joseph Ki Zerbo désignait comme « le développement clefs en main ») qui minore et infantilise les acteurs locaux, savons-nous encore prendre un peu de notre temps, savons-nous leur donner de notre temps et cheminer avec eux, à leur niveau, sur les sentiers de la recherche collaborative et de l’action créative (ce que Joseph KI ZERBO désignait comme « le développement clef en tête ») de conditions de vie décente pour tous ?

AGRINOVIA dont la devise est «apprendre à innover en partenariat» représente une tentative internationale (Sud-Sud et Sud-Nord) et multi-disciplinaire de co-construire avec les paysans et les acteurs locaux les dynamiques multi-acteurs par lesquelles nos sociétés pourront, par des initiatives pertinentes, des dynamiques porteuses, des expériences significatives de participation effective incluant différentes familles d’acteurs (Institutions d’enseignement supérieur, de recherche, de formation, Projets de développement, ONG, Organisations paysannes, communautés locales, Partenaires techniques et financiers, décideurs politiques, etc.) adresser de manière durable les défis du monde actuel menacé par le poids monumental des changements climatiques et l’accroissement vertigineux des inégalités entre couches sociales, Etats, pays, sociétés, cultures et continents.

Bien plus que les maladies endémiques, l’insécurité croissante qui fragilisent nos Etats, les migrations forcées et les incertitudes politiques qui menacent la paix dans la sous-région ouest-africaine, nous devons traquer dans le mental et les comportements quotidiens ce qui manifeste l’afro-pessimisme, maladie d’autant plus mortelle qu’elle est une « tueuse silencieuse », productrice de lâcheté, d’irresponsabilité, de démission et/ou de comportements incohérents, inconséquents, pour y faire face …. Retrouver la confiance en soi et en l’Afrique, terre d’avenir, est le remède le plus sûr dans la mesure où elle s’accompagne d’une détermination individuelle et collective à innover en partenariat, à co-construire des projets porteurs de sens et à ensemencer l’avenir dans la synergie de nos compétences respectives.

Master II

9 mois (Phase intensive en classe: Octobre à Décembre – Phase recherche sur le terrain: Février à Mai – Soutenance du mémoire: Juillet/Octobre)
Sécurité alimentaire et nutritionnelle, évaluation des projets, économie du développement, agroécologie, évaluation des chaînes de valeur, processus d’innovation, communication, genre et changement social, méthodologie de la recherche participative.
31 Mai de chaque année
Français

Université Joseph KI ZERBO (Ouagadougou – Burkina Faso).

Professionnels (jeunes chercheurs, agents public et privé de développement, consultant, accompagnateurs communautaires, médiateurs-courtiers de développement, etc.) et futurs professionnels du développement (étudiants) titulaires au moins d’une maitrise, d’un M1 (semestres 1 et 2) ou équivalent.

Cours Intensifs

1 ou 2 semaine(s).
Genre et développement rural, sécurité alimentaire et nutritionnelle, entreprenariat sociale, eau et assainissement etc. Possibilité d’organiser des formations ad hoc pour le personnel des ONG et des projets.
15 jours avant le début du cours.
Français

Université Joseph KI ZERBO (Ouagadougou – Burkina Faso).

Professionnels (chercheurs, agents de développement, etc. avec niveau d’études minimal BAC).